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(Very) Short Stories Session # 5 Trente sept degrés
Le chasseur avait trouvé le cadavre encore chaud, et quand la police arriva, il n'avait pas encore totalement refroidi. Il fut rapidement identifié comme celui de Jean-Daniel Carsaille, le célèbre écrivain, qui avait reçu le Goncourt quelques semaines plus tôt. La cause apparente était la plaie béante et encore saignante à l'arrière de son crâne, causée par un objet contondant comme une branche ou une massue, et qui avait écrasé la moitié du cerveau. A voir le visage détendu du mort, il avait dû être pris par surprise et mourir sur le coup.

Une enquête de routine fut quand même ouverte, et le corps autopsié, dans l'espoir d'y trouver un indice permettant d'identifier son agresseur. Mais l'examen du terrain où le cadavre avait été retrouvé n'amena rien. La zone était un terrain de chasse, et donc parcourue en tous sens par des dizaines de traces de chasseurs.

Quant à la reconstitution de l'emploi du temps de la victime, elle fut à la fois facile à effectuer et déconcertante. L'auteur n'avait apparemment pas mis les pieds hors de chez lui depuis trois jours, mais son courrier avait été relevé, ses poubelles vidées, et son éditeur avait même reçu par mail la veille son dernier manuscrit, intitulé par une sorte d'humour macabre " Mort et corruption ". Il n'avait pas répondu au téléphone, mais une voisine jurait l'avoir vu à sa table de travail.

Avant de s'enfermer pour ces trois jours, Jean-Daniel Carsaille avait rendu visite à quelques amis proches, tous aussi célèbres que lui : la philosophe et académicienne Brigitte Liew, auteur des Racines de la civilisation, le cinéaste Luc Godoy, dont la filmographie s'enrichissait de titres tels que Les Mauvais garçons ou Une Saison Romaine, et l'historien Charles Berling, spécialiste des civilisations précolombiennes. Tous trois répondirent sans ambages aux questions de l'inspecteur Pierre Borel, de la police judiciaire.

Leurs trois dépositions étaient semblables. Jean-Daniel Carsaille était passé les voir le mercredi précédent. Ils avaient discuté de choses et d'autres, mais Carsaille s'était montré très discret sur ses projets, comme à son habitude. L'ordre dans lequel Jean-Daniel Carsaille était allé les voir n'était pas un mystère non plus, puisqu'il avait été noté sur l'agenda du défunt, et que les trois témoins l'avait confirmé. L'auteur était d'abord passé chez l'académicienne, puis chez Berling, et enfin chez Godoy. Le cinéaste était donc la dernière personne à avoir vu Carsaille vivant, et était par conséquent le suspect numéro un. Une suspicion de pure forme, puisque l'auteur était apparemment mort trois jours après.

* * *

L'enquête piétinait quand Borel reçut les résultats de l'autopsie. Ceux-ci étaient tout ce qu'il y a de plus étranges. D'un côté, Carsaille semblait avoir été tué peu de temps avant sa découverte. Pour défendre cette idée, il y avait la température corporelle, la fluidité du sang, mais surtout l'absence de tous les insectes coprophages qui permettent aux entomologistes de la police de dater les cadavres avec précision. On avait même retrouvé dans son estomac les reliefs de son dernier repas ? comparé à ce que l'étude de ses ordures avait pu donner. Mais quelques points ne collaient pas avec cette théorie. En particulier, l'état de certaines cellules du derme, qui étaient dans un état de nécrose avancée, et celui des viscères, dans lesquelles la flore bactérienne avait proliféré de manière plus qu'étrange. Le cadavre avait presque été mangé de l'intérieur.

D'après ce qu'on pouvait tirer de l'autopsie, Jean-Daniel Carsaille avait été un mort-vivant les trois derniers jours de son existence sur Terre.

* * *

Evidemment, Borel ne l'entendait pas de cette oreille. Pour lui, il y avait les vivants, les morts, mais aucun état intermédiaire. Cette ambiguïté quant à la date de la mort de l'écrivain cachait quelque chose. Il y avait deux options : la maladie ou l?empoisonnement.

Le médecin, contacté, nia avoir eu connaissance de problèmes chez son patient. D'ailleurs, il avait passé son dernier check-up quelques semaines avant, et rien d'anormal n'avait été décelé. Seule la thèse de l'empoisonnement était encore valide. Seulement, qui suspecter ?

Borel décida donc d'aller voir Simon Nimin, un de ses anciens camarades de lycée, et un des plus grands spécialistes des maladies tropicales. Ça n'avait que peu de choses à voir avec ce cas d'empoisonnement, mais Nimin travaillait la main dans la main avec les plus grands chercheurs de l'Institut Pasteur. Il saurait donc l'aiguiller, à défaut de le renseigner.

Nimin le reçut dans son bureau de la Salpetrière, et fronça le nez en voyant le rapport du médecin légiste.
- Ça m'a l'air de quelque chose de bizarre, ton cas, lui dit-il
- C'est bien pour ça que je viens te voir. Tu as déjà vu un truc dans ce genre ?
- Laisse-moi le dossier et deux jours, et je pense pouvoir te tuyauter.

* * *

Quarante-huit heures après, Borel reçut un message sur son répondeur. C'était Nimin, qui lui disait qu'il avait des révélations à faire, mais qu'il ne les ferait qu?en présence des trois « suspects ». Borel organisa une confrontation dans son salon. Après les présentations, Nimin regarda avec attention Liew, Godoy et Berling. Puis il but une longue gorgée du café que Borel, qui le connaissait bien, lui avait amené, et prit enfin la parole.
- Madame, messieurs. J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à annoncer. La bonne, c'est que je sais comment Jean-Daniel Carsaille est mort. La mauvaise, c'est que je sais qui est son meurtrier, ou sa meurtrière. Il va de soi que cette nouvelle n'est mauvaise que pour l'un ou l'une d'entre vous.

Les trois suspects se regardèrent les uns les autres, puis avec un bel ensemble, se tournèrent vers Nimin, en présentant toutes les attitudes de la dignité bafouée. Celui-ci balaya les éventuelles dénégations d'un geste de la main.
- Pas de commentaires, je vous prie, et laissez-moi continuer. Je dois même commencer par féliciter le tueur (ou la tueuse), car il(elle) n'a commis qu'une infime erreur. Jean-Daniel Carsaille a donc été empoisonné. J'ai d'abord suivi la piste des poisons accélérant la nécrose des tissus, et j'ai trouvé un mélange d'héroïne et d'arsenic. Qui est indétectable au goût quand on le mélange à un alcool, comme par exemple le vin de noix que vous lui aviez envoyé, madame?
Mais l'arsenic laisse des traces dans l'organisme, et je n'en trouvais pas dans le rapport d'autopsie. Et je vois mal une faible femme assener un coup de massue d'une telle force qu'il lui fasse exploser la boite crânienne.
J'ai ensuite cherché ailleurs. J'ai trouvé un poison qui aurait bien collé avec l'état du cadavre, mais c'était un poison ultra-violent, et qui impose de garder le corps dans l'obscurité. Facile pour un cinéaste et photographe amateur, qui dispose sûrement chez lui d'une chambre noire. Mais comment faire pour remplacer l'auteur, pendant trois jours, lui qui vivait dans une villa surprotégée, et dont lui seul connaissait le code d'entrée ?

A ce moment, tous les regards se tournèrent vers Berling. Celui-ci, sans se départir d'un calme ironique, déclara :
- Ainsi, selon vous, c'est moi le coupable ?
- C'est cela. Vous avez utilisé un dérivé du curare, qui a la particularité de ne laisser aucune trace dans l'organisme, et d'agir assez lentement. Vous vous êtes ensuite caché dans la voiture de Carsaille pendant qu'il était chez Godoy, et vous avez ainsi pénétré chez Carsaille. Quand celui-ci est mort, il ne vous restait qu'une chose à faire : maintenir la température corporelle. Vous avez lavé le corps pour éviter une prolifération bactérienne externe, puis l'avez mis dans un sac étanche, que vous avez mis dans un bain maintenu à température constante. Puis vous avez tenu son rôle pendant trois jours, avant de lui fracasser le crâne et de l'abandonner dans la forêt. J'ai vu juste ?
- A un détail près, le sac. C'était un vieux sac à couette, dans lequel on peut faire un certain vide en y adaptant le tuyau d'un aspirateur. Et où est mon erreur ?
- Si vous aviez tout effectué parfaitement, personne n'aurait rien pu prouver, et c'est l'atout de ce poison : tant que le corps est maintenu exactement à la température corporelle, rien ne se passe, ni nécrose des tissus, ni prolifération de la flore intestinale. C'est là que vous avez commis votre erreur. La température extérieure d'un corps n'est pas trente-sept degrés, mais environ trente.
- C'est bon, je suis battu. Passez-moi les menottes, inspecteur.

Le temps pour Borel de reprendre ses esprits, il passa les menottes à Berling, et l'emmena vers le fourgon qui attendait plus bas dans la rue. Au moment de passer la porte, l'historien se retourna vers Nimin
- Vous voulez connaître le mobile ?
- Le mobile m'importe peu. Seule compte pour moi la méthode. D'ailleurs, vous êtes vraiment atroce d'avoir poussé la minutie jusqu'à lui enfoncer un déjeuner dans l'estomac.

Skro
Ecrit par skro, le Vendredi 8 Novembre 2002, 13:57 dans la rubrique "Culture".


Commentaires :

  kevinou
kevinou
20-11-02
à 15:24

hi hi hi


j'ai pas eu le temps de lire, mais le concept même que tu écrives sur le dur&mou on line est vraiment génial !!!

que ça ne t'empêche pas d'imprimer la version papier, et pas juste pour les 1A (à propos il me semble que les 2A et 3A n'ont toujours pas eu le dur de la rentrée...)!!!

ciao kevin


  skro
skro
25-11-02
à 14:18

Re: hi hi hi

Ben, en fait, on ne m'a pas trop demandé mon avis...
mais ça ne me gène pas.
Quant au Dur, il ré-avance, même si la multiplication des supports ne rend pas le boulot facile.
Si tout va bien, on devrait l'avoir sorti pour la fin de la semaine (enfin), mais je ne peux rien promettre...

C.

  kevinou
kevinou
25-11-02
à 18:33

Re: Re: hi hi hi


tu veux dire que ce n'est pas toi qui a posté ce texte ?

note, je me suis tapé tous les accents à remettre vu qu'ils étaient sous forme de "?", comme quoi je suis pas trop rancunier

kevin

  darwi
darwi
25-11-02
à 19:32

Re: hi hi hi

En fait j'ai publié cet article au même titre que les autres qui attendaient la publication papier depuis octobre.
Mais je suis contente de te voir ici Skro. :)